Nouvelles obligations pour les grues à tour

Amélioration des conditions de travail dans les grues à tour
Un grutier en cabine d'une grue à tour

Recommandation R459 : désormais obsolète et remplacée par la R495La réglementation française relative à l’utilisation des grues à tour évolue (encore !).

Recommandation R.459 : obsolète

L’Assurance Maladie dans le cadre de ses missions de prévention des risques professionnels avait établi une première recommandation à destination des utilisateurs de grues à tour. La R.459, puisque c’est d’elle dont nous parlons, n’est désormais plus valable. Si vous souhaitez toutefois consulter cette version obsolète :

Les raisons de l’abandon sont diverses, mais une partie de l’explication réside notamment dans la polémique engendrée par la volonté d’imposer des ascenseurs de chantier pour les grues à tour dès 30m de hauteur.

Recommandation R.495 : la remplaçante

Afin que vous puissiez utiliser pleinement cette recommandation, je vous invite à la télécharger en intégralité :

Bien que la teneur de la R.495 adoptée le 25 octobre 2016 soit assez similaire certaines dispositions se retrouvent assouplies. C’est notamment le cas de la hauteur des grues au-delà desquelles un ascenseur de chantier est demandé.

Voyons les principaux points abordés par cette recommandation.

Intérêts de cette recommandation

L’attention est portée sur la nature de l’activité de grutier et sur les conditions de travail complexes nécessitant l’établissement de certaines recommandations visant à imposer des modifications aux constructeurs et usagers des grues à tour. Il est notamment souligné qu’un grutier subit une charge importante :

– Attention soutenue tout au long de la journée,
– Arbitrage entre les multiples sollicitations du chantier,
– Participation à l’organisation du chantier et à son maintien en ordre,

Champ d’application

Il est précisé que :

Le présent texte est applicable à tous les chefs d’entreprise des industries du Bâtiment et des Travaux Publics dont le personnel relève en totalité ou en partie du régime général de la Sécurité Sociale et utilise des grues à tour, même à titre occasionnel.

En clair : toutes les entreprises de construction utilisant des grues à tour sont concernées.

Peut-on ignorer sur cette recommandation ?

En tant que telle, la recommandation n’est pas une réglementation et l’ambition de ses auteurs n’est pas de fixer des contraintes supplémentaires mais bien d’aider les chefs d’établissement à remplir au mieux leurs obligations. De ce fait, le non-respect d’une recommandation, édictée par un Comité technique compétent pour la branche d’activités dont il relève, ne saurait exposer le chef d’établissement à une sanction directe.
Dépourvues de force obligatoire directe, les recommandations peuvent cependant être sources de droit et leur non-respect peut avoir des conséquences juridiques, par exemple en matière de recherche des éléments constitutifs d’une faute inexcusable.

Le non-respect de cette recommandation ne constitue donc pas un faute directe, mais en revanche il s’agira d’un parfait bâton pour taper sur la tête d’un entrepreneur dont un salarié aurait eu un accident sur une des grues ou devant justifier qu’un de ses grutier ait développé une maladie professionnelle du fait de son exposition prolongée à des conditions de travail non recommandées…

Etant donné que c’est à l’Assurance Maladie d’indemniser un grutier en arrêt de travail et que c’est justement ce même organisme qui a établi la recommandation, la probabilité qu’une vérification de son respect soit faite sur votre chantier est à peu près égale à 100% ! A vous de voir si le jeu en vaut la chandelle, mais je ne le pense pas :).

Mesures de prévention

Accès à la cabine

L’accès à la cabine doit faire l’objet d’une attention particulière en raison des risques suivants :

– Chute de l’opérateur lors du cheminement dans la mature,
– Contraintes physiologiques et TMS [ndlr : Troubles Musculo-Squelettiques] engendrés par les efforts physiques fournis lors des phases d’accès (montée et descente).

Les mesures suivantes sont donc à mettre en œuvre :

– Des plateformes de repos doivent être présentes au moins tous les 6m (sauf pour la première volée où celle-ci pourra être de 10 m). Le passage par ces plateformes est obligatoire dans le cheminement (les «strapontins» rabattables positionnés tous les 6 m le long d’une volée verticale ne constituent pas une solution acceptable).

– Les échelles inclinées sont privilégiées.

Ces points sont sans conséquences pour la majorité des modèles de grue actuels.

Nota bene : Pour les GMA [ndlr: Grues  à Montage Automatisé] les plateformes pourront n’être positionnées que tous les 10 m.

Point positif car le fonctionnement même de ce type de grue rend ces dispositions très complexes à intégrer !

Le vrai nœud du problème :

Un accès motorisé est impératif à partir du :

  • 1er janvier 2017, lorsque la cabine de conduite de la grue nécessite plus de 50 m d’ascension,
  • 1er janvier 2019, lorsque la cabine de conduite de la grue nécessite plus de 30 m d’ascension.

Cette période transitoire vise à permettre le développement de solutions techniquement sûres.

Avant cette date, l’accès motorisé est impératif à partir de 60 m.

Aïe : l’obligation d’avoir un accès motorisé est maintenue. Au fait, on parle de ça :

Ascenseur de grue
Une solution d’ascenseur de grue proposée par Potain

Bien conscients du surcoût engendré par ce type de matériel (on en reparle plus tard), les rédacteurs ont précisé que :

Une solution palliative à la mise en œuvre d’un accès motorisé pourra être de créer un accès au fût à une hauteur intermédiaire, limitant la hauteur à gravir dans le fut à une hauteur inférieure à 30 m.

Impact économique pour le chantier

Les tarifs pour ce genre de prestations sont actuellement très volatiles car le marché est encore en train de se créer et tant que tout n’aura pas décanté des écarts important seront constatés sur les devis.

Les retours de consultations actuels se situent dans cet ordre de grandeur :

  • Location d’un ascenseur : de 1 500€ à 2 500 € par mois
  • Montage sur site : de  2500 € à 6 000 €
  • Démontage : idem montage

Prenons un chantier à 2 grues d’une durée de 8 mois :

  • Hypothèse basse : 2 x (2500€ + 8 x 1500 € + 2500€) = 34 000 €
  • Hypothèse haute : 2 x (6000€ + 8 x 2500 € + 6000€) = 64 000 €

A ces tarifs, la solution de la location ne sonne donc pas comme une évidence si bien que beaucoup d’entreprises se tourneront vers l’achat, mais s’exposeront alors à de nouvelles responsabilités relatives à l’entretien du matériel et aux contrôles obligatoires…

Autres mesures de prévention

D’autres volets de l’amélioration des conditions de travail des grutiers sont également abordés par cette recommandation:

Configuration de la grue

  • Le grutier doit pouvoir travailler avec les vitres fermées,
  • La température en cabine doit pouvoir être maintenue entre 20° et 25°, ce qui amène nécessairement à installer un système de climatisation en période estivale,
  • Le grutier doit pouvoir communiquer avec le chantier sans lâcher les commandes, ce qui implique d’équiper la grue de talkie-walkie avec pédale,
  • La cabine doit être équipée de tous les matériels nécessaires au maintien de la visibilité, tels que essuie-glace, lave glace, caméra, pare-soleil…
  • La zone de travail doit être éclairée : des projecteurs seront donc à installer pour les chantiers travaillant hors des heures d’ensoleillement,
  • L’implantation de la grue doit offrir une bonne visibilité au grutier, point qui nécessite donc d’être pris en compte dans la conception du plan d’installation de chantier,

Cas particulier

  • Il est précisé que l’utilisation de radiocommandes déportées de la grue (depuis le sol) est possible mais nécessite une procédure et une formation dédiée du personnel (R495, pages 4 et 5).

Des rappels sont également formulés sur les opérations de contrôle et d’entretien courant à la charge du grutier ainsi que sur les procédures de premiers secours et d’évacuation d’urgence (R495, page 5).

Que doit-on en conclure ?

L’amélioration des conditions de travail dans le BTP est évidemment un objectif qui doit animer chacun des acteurs de la construction. En ce sens, les mesures évoquées par les concepteurs de cette recommandation R495 sont tout à fait pertinentes et on appréciera le fait que la R459 ait été oubliée au profit de cette nouvelle version légèrement assouplie.

Il n’en demeure pas moins que les impacts financiers restent très lourds et ne sauront être absorbés sans difficultés par les entreprises de gros-œuvre. Espérons que le marché de ces équipements mûrisse vite et qu’une vraie concurrence puisse exister pour nous permettre d’éviter le monopole des solutions estampillées par les constructeurs, dont les coûts sont exorbitants…

Par Clément VALENTE

Expert en construction numérique

5 commentaires

  1. Bonjour. Quelle est la différence entre recommandation et obligation ?
    Peux ton jouer sur les mots? Car les deux ne veule pas dire la même chose.

    Merci. Cordialement Cyrille Chauveau.

    1. Certes les mots sont différents et on peut en théorie jouer avec. De manière très imagée, si j’interdis à mon fils de taper avec un marteau sur sa sœur le message n’est effectivement pas le même que si je lui recommande de ne pas le faire. Pourtant, est-ce que ma réaction sera différente s’il venait à le faire ? Probablement que non…
      Une recommandation reste en théorie non obligatoire si on s’en tient à la sémantique pure, mais l’inspection du travail n’appréciera guère de vous voir jouer avec les mots et votre chantier pourrait être fermé en un claquement de doigts. Le jeu en vaut-il la chandelle …?

      1. Merci de votre réponse, dommage que cette recommandation ne s’applique pas aux monteurs de grue. Un grutier monte 2 fois par jour, un monteur 5 à 8 jour. Bref vaste débat.

        Cyril

      2. Bonjour,
        En complément, je rajouterais, que la première approche à avoir est l’approche humaine. La mise en place d’un tel dispositif est-elle utile et bénéfique à son utilisateur ? Je pense qu’il est difficile de montrer le contraire.
        Vient ensuite le problème économique. Est-ce rentable ? On sait que ça coute un certain prix (installation, repli, location de l’ascenseur, entretien, …). Est-ce qu’on peut faire des économies avec ? Le grutier monte et descend certainement plus vite d’où un gain de temps. Est-ce le seul poste d’économie ? A étudier. Le bilan sera-t-il positif ou négatif ? Probablement négatif mais à vérifier et c’est pour cela que certains cherchent à jouer entre obligation de faire ou pas.
        Si on choisit donc de jouer sur les mots, les problèmes avec l’inspection du travail ne sont rien au regard des justifications qu’il faudrait fournir à la barre d’un tribunal en cas d’accident. En effet, le respect d’une recommandation n’est pas une obligation en tant que telle mais il serait difficile de convaincre un juge qui pourrait aisément vous rétorquer qu’une recommandation est un texte rédigé par des experts et les pairs de la profession. Donc si les pairs l’ont recommandé, c’est qu’il était important d’en tenir compte. Et là, difficile d’échapper à la faute inexcusable surtout lorsqu’on sait que l’employeur a avant tout une obligation de résultat en matière de préservation de la santé et de la sécurité des salariés.

        1. Merci vivement pour votre témoignage fort instructif. Je signale au passage à nos lecteurs que vous travaillez pour l’OPPBTP, et que votre avis est donc on ne peut plus pertinent sur ces thématiques.

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